Dans la Musette
Tour de France

Tour de la France, étape 1 : Sprint à Nice !

Nice Moyen Pays – Nice (156 km)

Christian Estrosi, maire de Nice, coupe le ruban du Grand Départ officiel de ce Tour de la France 2020. En tapant fort dans l’épaule de Christian Prudhomme qui trébuche en avant sur Jeff Pescheux (lequel ne manque pas de bougonner), le ponte niçois lâche au directeur de la course un enthousiaste « Tu m’as coûté cher mon con, c’est un autre tarot que Paris-Nice ton bordel », avec un sourire plus bright que jamais. Les flashs des photographes crépitent et la réverbération sur les dents blanches de l’édile niçois éblouissent Richie Porte, obligé de descendre à la voiture médicale se faire mettre du sérum physiologique dans les yeux. « On ne gagne pas le Tour en première semaine, mais on peut le perdre » dit l’adage…

En première ligne du peloton impatient d’en découdre sur la plus belle course du monde, Peter Sagan est occupé à dessiner une bite sur le bob Skoda d’un jeune fan, Romain Bardet compte les grains de riz dans son riz au lait et Egan Bernal fait coucou à la foule en scandant des « merci » à la pelle (demandant néanmoins confirmation dans son oreillette sur la prononciation exacte du mot dans la langue de Molière). Tout semble déjà sous contrôle chez Ineos. Puis on aperçoit Krisfroume, également en première ligne, faire un shifumi avec Geraint Thomas. Nous l’ignorons encore, mais le premier moment-clé de ce Tour va se jouer sous nos yeux éblouis.

Le gallois exécute un ciseau, auquel le kenyan répond par un puits. « Ça existe pas le puits Christopher, tu triches » lui reproche Geraint, ce à quoi son adversaire répond : « Zone grise, mon gars ». À en juger par son sourire canaille, on comprend alors que le quadruple vainqueur de la Grande Boucle vient de remporter officieusement le droit de « faire deuxième » du Tour de la France derrière son équipier Bernal (ultra-favori à un point tel que plus d’un colombien sur dix s’est déjà fait tatouer « Bernal 2020 » quelque part sur le corps. Source : INSEE), fixant ainsi une nouvelle hiérarchie interne par cet hasardeux jeu de pierre-feuille-ciseau.

Mathieu Van der Poel, petit-fils du regretté Raymond Poulidor dont la mémoire vient d’être longuement et à juste titre honorée, est chargé de tirer le symbolique coup de pistolet de départ. Croyez-le ou non, accident ou acte délibéré : la balle frôle l’oreille gauche de Wout Van Aert qui vocifère alors un pot-pourri d’insultes flamandes que nous refusons de vous traduire parce qu’il y est question de maman et d’acte sexuel déviant. Qu’à cela ne tienne, le peloton s’élance !

Le premier attaquant du jour n’est autre que Pierre Rolland, fier d’honorer la première participation de son équipe au Tour de la France. Jérôme Pineau, ému, pleure dans la voiture B&B-Vital Concept et demande des mouchoirs aux spectateurs massés au bord de la route, lesquels n’ont rien de mieux à lui offrir que des morceaux de saucisson Cochonou plus ou moins frais et des verres de pastis… plus ou moins frais. Il est 14h30 sur la route du Tour, et Jéjé est déjà bourré.

Pierre Rolland, isolé seul à l’avant sous l’écrasante chaleur méditerranéenne est bientôt rejoint par Krists Neilands (Israel Start up Nation), décidé aussi à montrer les couleurs de son écurie. Après trois ascensions d’Aspremont où notre Pedro national, déchainé, a moissonné les points de meilleur grimpeur devant son disciple Krists qui ne marche pas sur l’eau, les deux hommes se relèvent et sont bientôt avalés par le peloton mené par les Lotto-Soudal de Caleb Ewan. Neilands met un point d’honneur à accélérer alors que les deux hommes ne comptent plus que douze mètres d’avance sur la meute, histoire d’aller chercher un dossard rouge mérité qui à défaut de changer l’eau en vin, lui permettra de faire sa première communion avec la cérémonie protocolaire du Tour.

Il reste 20 kilomètres avant l’arrivée à Nice, et on ne va pas vous le cacher : on se fait chier comme des rats morts sous Xanax regardant Vivement Dimanche avec pour invités Jack Lang et Bernard Lavilliers. Jérôme Pineau, satisfait du devoir accompli, décuve et roupille dans sa voiture, au diapason avec les spectateurs qui n’ont rien eu de plus folichon à faire que propulser « attaque de Pierre Rolland » en trending topics sur Twitter. On se dirige vers un SPRIMPTMASSIF© quand soudain : la rituelle chute de début de Tour, que l’on doit traditionnellement à « la nervosité du peloton » d’après Titi Adam, a lieu au milieu du paquet.
Davide Formolo, distrait par un spectateur éméché déguisé en Donald Trump (portant un string panthère laissant entrevoir ses parties génitale), percute un terre-plein central et emmène avec lui quelques camarades dont André Greipel, qui ne pourra pas disputer la victoire à Nice du haut de ses 46 ans (à deux-trois gorilles près). Richie Porte est également pris dans la chute et peine à repartir, lâchant avec fatalité un désabusé « Ah shit, here we go again ». Il finira plus de 3 minutes derrière le peloton à Nice, dans le sillage d’un Mads Pedersen rayonnant dans son rôle d’équipier de luxe irisé.

À l’avant, UAE-Team Emirates se frotte à Lotto-Soudal sous le contrôle de Cofidis, on aperçoit Sven Erik Bystrom distribuer quelques coups de casque pour placer Kristoff, que Caleb Ewan et Mark Cavendish ne quittent pas d’une semelle. Sagan est tranquillement dans leur sillage, bouche fermée, et se fait lancer par Daniel Oss… on y est ! Le maillot jaune attend l’un de ces hommes, au bout de la route dans 300 mètres. Le slovaque, un peu court, est rapidement débordé par Sam Bennett qui avale Ewan et semble s’ouvrir la voie quand soudain une ombre rouge et blanche surgit sur le côté opposé de la route. Le réalisateur tarde à le cadrer tant il est focus sur l’irlandais… Un brusque mouvement de caméra survient dans la cohue, saccadé par l’atmosphère électrisante et étouffante de l’emballage final.

Christophe Laporte (Cofidis) vient de remporter l’étape devant Sam Bennett (Deceuninck-Quickstep) et son équipier Viviani, talonné par Colbrelli et Sagan. Alexandre Pasteur n’en revient pas et hurle des « Laporte, Laporte ! » auxquels Jaja répond, goguenard, avec son accent à bouffer des bougnettes castraises « Il se l’est ouverteuh-tout seul, bravo Chrisseutophe », pas peu fier de son jeu de mot réussi à une heure de si grande écoute.
Laporte ne lève même pas les bras et se contente de beugler un ensemble de voyelles dénué de sens, en cachant sa bouche ébahie par ce qu’il vient de produire : il vient de gagner une étape du Tour devant le gratin mondial du sprint et de s’emparer de la plus belle des tuniques.

« J’ai essayé de faire ma vie en profitant du boulot des gars pour Elia, j’ai toujours aimé ce rôle de second couteau. Sagan et compagnie ne savaient même pas comment je m’appelle, aujourd’hui ils connaissent mon nom et je porte le maillot qu’ils voulaient pécho. J’les ai trop cassés, appelez-moi Chris de Nice ! » commente le varois, hilare au micro de Marion Rousse.

En cette fin d’après-midi de juin, Cofidis ne vend plus des solutions crédit mais bel et bien du rêve.

Classement général :

1. Christophe Laporte (COF)
2. Sam Bennett (DCQ)
3. Elia Viviani (COF)
4. Sonny Colbrelli (BAH)
5. Peter Sagan (BOH)

189. Richie Porte (TRS) 3’12’’

Rendez-vous demain, pour une nouvelle étape autour de Nice ! Cette fois-ci, les sprinteurs devraient laisser place aux grimpeurs. 

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