Dans la Musette
Tour de France

Tour de la France, étape 13 : explosif Puy Mary !

Châtel-Guyon – Puy Mary/Pas de Peyrol (191 km)

Thomas De Gendt est radieux mais se fait un peu pipi dans le cuissard ce matin. Si le jaune est sa couleur du jour, il aimerait également qu’elle le soit demain, et pas uniquement tapissée au fond de sa peau de chamois. Pour cela, il faudra survivre aux 4400 mètres de dénivelé positifs que cette étape propose, et ne pas gâcher ses 5’12’’ d’avance sur son dauphin. Un matelas confortable mais fragile, quand on sait la lourdeur qui doit actuellement peser dans ses jambes après son exploit de la veille. Mais impossible n’est pas De Gendt, puisque le sanglier belge est coutumier des exploits montagneux comme en témoignent sa 3e place sur le Giro 2012 (après une victoire au Stelvio) ou encore sa victoire au Mont Ventoux sur le Tour 2016 et son maillot à pois acquis sur la Vuelta 2018.

Au départ, la question de savoir s’il est capable de résister se pose, et en coulisses il se murmure même la possibilité de voir un scénario « à la Voeckler 2011 » se dessiner, alors que la mi-Tour est déjà passée. Le vieux briscard de Lotto-Soudal ne se laissera pas faire, c’est une évidence ! Et la jurisprudence Alaphilippe plaide en sa faveur, quand on sait à quel point ce morceau de tissu jaune peut dessiner des ailes dans le dos de quiconque le porte.

Départ donné + étape montagneuse = attaque de Pierre Rolland. Tu connais la chanson. Voici donc le maillot à pois qui se barre dans le Col de Ceyssat et qui moissonne ses puntos sans encombre, sous le regard de Romain Bardet (AG2R La Mondiale), Roman Kreuziger (NTT), Fabien Grellier (Total-Direct Energie), Quentin Pacher (B&B Vital Concept), Marco Marcato (UAE), Toms Skujins (Trek Segafredo) et Tiesj Benoot (Sunweb). Aucun danger pour le maillot jaune de De Gendt, puisque tous les coureurs sus-cités ont lâché du lest au général. Les Lotto Soudal roulent en tête (on a même vu Caleb Ewan se faire la peau dans le premier col !) et gardent un tempo tranquille pour que le dénivelé du Puy-de-Dôme soit facilement gérable pour son homme en jaune.
Comme la veille, cette échappée sera la bonne puisqu’elle compte 8 minutes d’avance au pied du Col de Neronne, et même si le peloton des favoris s’active et que la pente y sera plus raide que ce supporter néerlandais aperçu au kilomètre 154, portant un slip rose fluorescent à l’effigie de Steven Kruijkljkldfhsd, on voit mal comment ceux-ci pourraient boucher un si grand trou.

Bardet, Rolland et Kreuziger sèment leurs copains juste avant le sommet du Col de Neronne, où El Pedrito Nacional prend ses derniers points du jour, avant d’exploser logiquement. Il ne reste donc plus que Romain et Roman pour la gagne, et ceux-ci collaborent bien dans le replat menant au pied du Pas de Peyrol et de ses murs noirs de monde. Il n’y aura aucun besoin d’attaquer pour faire la décision entre les deux hommes, c’est la raideur de la pente qui désignera son élu. Kreuziger allume quand même une mèche dès les premiers forts pourcentages et prend une vingtaine de mètres d’avance. Bardet semble gérer et le laisse s’affoler seul à l’avant.

Porté par la foule et par son statut de quasi-gars du coin, l’auvergnat décide de se dresser sur les pédales à 1,5 kilomètres du sommet et grignote mètre par mètre l’avance du tchèque, qu’il finira par rattraper puis déposer plus ou moins facilement à 800 mètres de l’arrivée, sous les vivats d’une foule tout à fait acquise à sa cause. Avec son talent pur et sa trempe de champion, Romain signe une victoire majuscule et poursuit l’expansion de son Empire sur la Grande Boucle.

Dans le peloton des favoris, plus bas, on se bouscule dans les rampaillous du Col de Neronne. Les Ineos ont décidé de se repentir de leur pêché de faiblesse commis sur l’île de Ré, alors ça visse plus fort que Bob le Bricoleur. Kwiatko, Sivakov, Amador et Geoghegan Hart s’agitent en tête et se font exploser un par un par l’avant, tandis que d’autres explosent par l’arrière. De Gendt, après deux kilomètres d’élastique et de pédalage avec les oreilles, finit par être de ceux-ci et rend une première fois les armes à 800 mètres du sommet. Mais c’est mal connaitre le sanglard de Saint-Nicolas que de l’avouer vaincu. Il profitera des 7 kilomètres de replat entre Neronne et le pied du Puy Mary pour recoller sur le peloton maillot jaune, avec l’aide précieuse de Wellens et d’un Philippe Gilbert transcendé !
On retrouve tous les favoris et un maillot jaune gueule grande ouverte au pied de la dernière difficulté. Ineos a grillé ses plus belles cartouches, et ses trois leaders (Froome, Thomas, Bernal) se retrouvent « esseulés ensemble », pendant que Tibopino a encore ses fidèles Reichenbach et Gaudu pour l’épauler, entouré du jaune des Jumbo-Visma (Roglic, Dumoulin, Kruifikhjlfiok) qui fument la pipe, surveillés de près par Landa, Alaphilippe et Pogacar.

Soudain, une mafia colombienne prend forme et nous rend témoins privilégiés d’une attaque groupée de Nérokintana, Miguel Angel Lopez et Sergio Higuita. La colombian connection est complètement à l’aise dans les raidards du Pas de Peyrol et s’associe à merveille sous les « Nairo, Nairo, Nairo » et les cris de vuvuzela de quelques groupes de supporters venus de Bogota et semés ça et là dans les montagnes cantaloues.
De Gendt, naturellement, subit le contre-coup de ce levage de culs et se fait lâcher. Il se rassoit, « lisseuh-son effort » comme dit Jaja, et se met en mode diesel pour gérer les deux derniers kilomètres de cette escalade plus pentue que la courbe du chômage. Hormis ce maillot jaune en léger lâcher-prise, il n’y a pas ou peu de mouvement derrière, sinon Valverde qui lâche un peu de lest au moment ou Gaudu pimente le tempo pour ne pas laisser les Jumbo-Visma dicter leur loi. Le petit prince de Bretagne s’écarte, vidé de ses watts, et laisse son leader franc-comtois dicter le rythme.

La France entière se hisse sur son fauteuil et pose sa bière, pendant que les commentaires passionnés de Guillaume Di Grazia sur Eurosport se font plus vibrants que jamais. On y est : Pinot a de nouveau rendez-vous avec ses ambitions et accélère en conséquence. Steven Kruikljlfdfkjkj passe à la trappe, un de moins ! Pogacar se rassoit et baisse la tête : et de deux ! L’éleveur de chèvres poursuit son autoritaire levée de cul sous les hurlements monstrueux de la foule qui se rend sourde tant elle braille, et c’est au tour de Krisfroume de baisser la tête encore plus qu’il ne la baisse d’habitude. Le britannique fait le roseau, plie mais ne rompt pas mais finit par abdiquer : et de trois ! On aperçoit Bernal et Thomas qui se checkent discrètement dans la roue de Pinot. Quelle lessive, quelle ambiance !

La colombian mafia (Quintana, Higuita et Lopez), indifférente au crime de lèse-majesté qui se déroule derrière, poursuit son effort et coupe la ligne 4’27’’ derrière Bardet. Quintana prend même une seconde d’avance sur ses deux compatriotes dans la dernière rampe. Huit secondes plus tard, un Pinot survolté déboule et arrache 3 secondes aux favoris de son groupe (Bernal, Thomas, Dumoulin, Roglic, Landa et… Alaphilippe !). Kruikjhkwihkgh arrive 23 secondes derrière avec Froome, Pogacar et Valverde. À la faveur de son attaque et de ces secondes grignotées, Nérokintana passe de la 7e à la 3e place au classement général. Il est d’un point de vue comptable le grand gagnant de cette étape qui aura piqué plus fort que Ferrari dans les années 90. Mais où est De Gendt ?

Le bufle d’outre-Quiévrain arrive grimaçant et dandinant, environ 1’10’’ derrière le groupe du toujours surprenant Alaphilippe ! Lâché mais sans exploser, il conserve donc sa tunique lumineuse et peut souffler un bon coup : il a survécu à l’enfer cantalou et s’offre un jour de jaune en plus en limitant la casse avec toute l’abnégation qu’on lui connait. En voilà un qui dormira bien cette nuit, tout comme Romain Bardet, qui pourra rêver paisiblement du nouvel agencement de sa salle de trophées du Tour, qui au retour de ses « vacances » juilletistes, ne tiendront plus sur la cheminée du salon.

Classement de l’étape :

1. Romain Bardet (ALM)
2. Roman Kreuziger (NTT) + 23’’
3. Tiesj Benoot (SUN) + 1’39’’
4. Pierre Rolland (BBV) + 3’22’’
5. Nairo Quintana (ARK) + 4’27
6. Sergio Higuita (EF) + 4’28’’
7. Miguel Angel Lopez (AST) + 4’28
8. Thibaut Pinot (GPF) + 4’36’’
9. Primoz Roglic (JBV) + 4’39’’
10. Egan Bernal (INE) + 4’39’’

Classement général :

1. Thomas De Gendt (LTS)
2. Julian Alaphilippe (DCQ) + 4’02″
3. Nairo Quintana (ARK) + 4’04’’
4. Sergio Higuita (EF) + 4’05’’
5. Miguel Angel Lopez (AST) + 4’05’’
6. Primoz Roglic (JBV) + 4’06’’
7. Mikel Landa (BAH) + 4’08’’
8. Thibaut Pinot (GPF) + 4’09’’
9. Tom Dumoulin (JBV) + 4’12’’
10. Steven Krujidfdksie (JBV) + 4’25’’
11. Christopher Froome (INE) + 4’44’’
12. Geraint Thomas (INE) + 4’58’’
13. David Gaudu (GPF) + 4’59’’
14. Egan Bernal (INE) + 5’02’’
15. Alejandro Valverde (MOV) + 5’07’’
16. Tadej Pogacar (UAE) + 5’19 »


Maillot à pois : Pierre Rolland (BBV)

Maillot vert : Peter Sagan (BOH)

Maillot blanc : Sergio Higuita (EF)

Combatif du jour : Romain Bardet (ALM)

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