Le plus grand exploit de Julian Alaphilippe n’est pas d’avoir passé quatorze jours en jaune lors du dernier Tour de France, mais bel et bien d’avoir remis le bouc (et surtout le cyclisme français) à la mode. En 2019, on n’y croyait plus.
À moins que vous n’ayiez passé le mois dernier en retraite dans une yourte en Mongolie pour découvrir qui vous êtes vraiment en vous coupant de toute 4G et de votre profil Tinder, ou à Guantanamo pour une quelconque raison que nous ne voulons pas savoir, vous n’avez pas pu échapper à l’Alaphilippemania qui a secoué la France avec plus de fracas que le homardgate de François de Rugy. On vous parle quand même d’un phénomène qui a réussi à faire parler de cyclisme dans le JT de TF1 alors même que la première chaine n’en a pas les droits de diffusion. Ça vous classe le truc, un peu.
Cette vague de « Julian » s’est matérialisée par des foules d’individus en tongs, hystériques, amassés au bord des routes et scandant le prénom d’un mec dont ils se souvenaient vaguement qu’il avait pécho la varicelle en juillet dernier en levant deux fois les bras, sans plus. Mais cette année, ce bonhomme a pris une ampleur médiatique et populaire que même son statut de numéro un mondial n’aurait jamais su lui donner. D’ailleurs, combien de ces personnes brûlées au troisième degré par le cagnard de juillet et arborant fièrement le bob Cochonou sont-elles au courant que leur « Juju » de juillet a remporté avant ça les Strade Bianche, Milan-San Remo et la Flèche Wallonne ? Très peu, mais là n’est pas la question puisqu’aux yeux du (très) grand public, la saison cycliste s’étale uniquement le long du mois de juillet.
Mais cette épopée jaune a remis le cyclisme français au coeur de la patrie de René Cotty. Car depuis les huit secondes de Fignon en 1989, « on » n’avait jamais été aussi proche de remporter le Tour de France, notre Tour de France. Sans faire injure à la Voecklermania de 2011 pour laquelle nous avons vibré comme un Nokia 3310, cette dernière ne nous avait jamais vraiment envoyé les signaux que Ti-Blanc allait le faire, et la Gaule entière le savait condamné à baisser la tête face à l’envahisseur australien. Mais là, entre Bruxelles et l’Iseran, le peuple tricolore y a vraiment cru. Dès lors, le déclic a eu lieu suite à l’improbable french connection consécutive à l’enchainement du contre-la-montre de Pau et du Tourmalet, 48 heures suspendues où à grands renforts de Julian en combinaison jaune moulante et de Thibaut souverain, nous avons pu rêver, sans fermer les yeux, à l’avènement du successeur de Bernard Hinault.
De fil en aiguille la France cycliste a vibré à l’unisson et s’est remise à aduler « son » sport préféré, à le comprendre et à le retrouver, en oubliant même de détester « les Sky » qu’elle aime tant décrier depuis que Wiggo s’est mis à perdre plus de poids que Benjamin Castaldi dans la pub Comme j’aime. Malheureusement, ce n’est pas passé cette année et Julian Alaphilippe ne gagnera probablement jamais le Tour de France. Mais a fortiori, le public gaulois s’est mis en tête que ce jour viendrait plus tôt que les trente dernières années n’ont pu le laisser penser, grâce notamment à ce petit gars arborant un bouc sans complexes. Et ça tombe à pic puisqu’il ne le sait pas encore, mais Thibaut Pinot remportera la Grande Boucle dès l’année prochaine.