Il faut être sacrément sûr de sa force pour décider de quitter le monde du football, ses paillettes et un avenir doré tout tracé, et choisir de s’orienter vers le cyclisme où trimer et se raser les jambes sont la norme.

Remco Evenepoel n’a que 19 ans et a débuté le cyclisme il y a un an et demi après des expériences prometteuses dans le football, où il tenait le capitanat de l’équipe U17 de la nation qui a eu la possession en demi-finale contre l’équipe de France. En théorie, il devrait commencer à savoir frotter en peloton et à cueillir des places d’honneur en Pass’Cyclisme, avant d’éventuellement monter en troisième catégorie pour collectionner les jambons de pays et les bouteilles de mauvais vin qu’on remet aux accesits. Mais le gamin est plus pressé qu’une orange lors d’un brunch dominical, et a décidé de gagner, déjà, la première course World Tour de sa vie. Ni plus ni moins. Et nous ne parlons pas d’une étape du Tour de Turquie boudée par la moitié des plus grosses écuries mondiales, mais tout bonnement du semi-Monument basque, la sublime Clasica San Sebastian. Comme disent les trentenaires d’aujourd’hui dans leurs posts Facebook qu’ils sont les seuls à lire : « Voili-voilou ».

En matière de précocité, seuls Rik Van Steenbergen et le mec puceau dans American Pie avaient fait mieux. Pour ce qui est du second, on passera mais quant au premier cité, cela en dit long sur la dimension que le petit surdoué belge a déjà pris, puisque sur l’échelle du plus beau palmarès cycliste de tous les temps, quelque part entre l’intouchable Merckx et la glouton Hinault se trouve le bon vieux Rik.

Par un raisonnement logique un peu bancal, on pourrait se dire que si on fait du Van Steenbergen à 19 ans, on fera du Merckx plus tard. Car si à l’âge où d’autres retapent leur première année de fac et glandent sur FIFA avec une Kro tiède sur le ventre, tu t’offres avec panache les meilleurs coureurs du monde sur une course parmi les plus dures de la saison, l’avenir te semble naturellement plus radieux que le teint de Julian dans son habit jaune. Si le plus compliqué restera de confirmer, comme n’ont jamais vraiment réussi à le faire dans leur domaine le chanteur Stromae, celui qu’on érigeait déjà en « nouveau Brel », ou Marvin Martin « le nouveau Zidane », Evenepoel aurait tort de « se préserver » comme on aime tant l’imposer aux jeunes pépites du sport mondial. Ne pas le préserver serait le meilleur moyen de le préserver, alors qu’il s’amuse !

On fera les comptes dans quinze ans : avant d’essayer d’être le nouveau Merckx, il ferait mieux d’être le premier Evenepoel.