Dans la Musette
Peloton

Mourir au combat

Le matin de Paris-Roubaix, les amoureux de cyclisme aiment utiliser un vocabulaire morbide pour décrire l’infamie de la course qui les attend, usant d’un champ lexical oscillant entre la guerre et l’Enfer pour se faire rêver à des exploits belliqueux venus d’un autre temps. Mais hier soir, la plus belle des classiques a décidé de devenir la plus cruelle en prenant funestement tout ce jargon au pied de la lettre.  

Ce lundi matin aurait dû être un lendemain de fête pour le peuple cycliste, lequel méritait de se réveiller le sourire aux lèvres en partageant les images d’un Peter Sagan facétieux sur le podium roubaisien. Nous aurions aimé que nos sujets de discussion ne tournent qu’autour de la course et de l’incroyable ténacité de Silvan Dillier. Mais le tourbillon de la compétition s’est vu stoppé net dans la nuit, faisant se transformer l’exploit sportif en la plus anecdotique des futilités. 

Sur la route du vélodrome de Roubaix, le coeur d’un jeune cycliste belge de 23 ans s’est arrêté de battre et Michael Goolaerts s’est effondré sur les pavés humides de la plus belle des classiques. Un sale coup de ce connard de destin, cruelle machine qui se nourrit de nos larmes face à son absurdité. L’Enfer du Nord n’a jamais aussi bien porté son nom. Et nous aurions préféré, pour une fois, que cette vénérable classique ne soit pas fidèle à sa légende que nous exhortions de briller le matin même du départ. Au point de nous sentir coupables, nous autres les suiveurs, d’attendre toujours plus de nos gladiateurs modernes et des routes qu’ils parcourent.

Nous aimerions pouvoir nous dire que le jeune guerrier est parti en pratiquant sa passion, pour offrir égoïstement un peu de réconfort à nos sentiments effondrés. Mais ça ne suffira jamais. Ce qui est arrivé à Michael Goolaerts est profondément injuste et irrecevable, alors nous n’avons rien d’autre à faire que souffrir en compassion avec sa famille, ses amis et son équipe, et tenter d’accepter la fatalité qui a frappé ce pauvre garçon qui comme nous, aimait viscéralement son sport. Un sport qui reste beau malgré ses risques, même si aujourd’hui nous avons vraiment du mal à nous en convaincre car l’année prochaine, Michael Goolaerts ne sera pas sur la route de Roubaix. 

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