Dans la Musette
Tour de France

Tour de la France, étape 18 : cinq cols pour un vainqueur.

Méribel – La Roche sur Fauron (168 km)

Cinq ascensions, et un menu plus gouleyant qu’une raclette en plein été : voici la dernière étape de montagne en ligne de ce Tour toujours indécis, bien qu’éclairci. Débarrassés de l’encombrant soldat De Gendt, les favoris n’ont plus qu’à astiquer les rivets de la selle pour aller cueillir leur bout de paradis jaune. Les grandes hostilités devraient donc être déployées dans un bouquet quasi-final qui s’annonce haut en couleurs.

Nérokintana brille de mille feus dans son maillot jaune, félicité par un De Gendt beau joueur, et snobé par Valverde sur la ligne de départ. Le petit colombien fait pour le moment un Tour parfait, en position plus favorable que jamais pour l’emporter à trois jours des Champs Elysées. Bernal, d’un coin de l’oeil, le regarde jalousement et attend son heure derrière la forêt de micros et de caméras qui entourent le leader d’Arkéa-Samsic, à peine visible derrière ce remue-ménage.
Ainsi donc, le départ est donné vers les cinq monstres à escalader. Plusieurs échappées matinales tentent vainement de se dessiner dans le Cormet de Roselend mais aucune n’est viable. En effet, Pierre Rolland et maillot à pois solidement acquis sont en vacances et surtout, Ineos envoie du pâté en tête de peloton. On a à peine le temps de voir Sagan faire un wheeling devant des supportrices slovaques en monokini, que le gruppetto se forme rapidement sous l’impulsion du gros rythme britannique, décidé à remettre l’église au centre du village (comprenez : Bernal sur le podium). Chez les noir-et-rouges, la hiérarchie est maintenant claire, bien que (trop ?) tardivement dessinée. C’est désormais du « tout pour Egan » pour les gars de Brailsford.

Un bel écrémage est déjà fait en mode lait pasteurisé, et la descente vers le pied du Col de Saisies est abordée à vitesse non pas grand, mais immense V. On ne voit que du rouge et noir en tête de paquet, savant mélange d’Ineos et d’Arkéa, lesquels tiennent virilement le manche de cette course contrôlée avec vigueur. Sentence irrévocable : personne ne peut sortir du peloton et la seule possibilité de s’en extraire reste de se faire lâcher. Le rouleau-compresseur est inébranlable et tous les leaders avancent vers leur destin, la bouche autant fermée que leur visage. Le Col des Saisies est avalé tambour battant, et chaque coursier s’accroche à sa position comme une huitre sur son rocher. Quintana est encore entouré d’Anacona et Barguil, et laisse la distance s’égrainer et jouer en sa faveur, bien qu’il s’attend prochainement à se faire secouer violemment, comme si on allait lui enlever quelques puces jaunes et le dépouiller de sa tunique.

C’est dans le Col des Aravis que la course va prendre une tournure plus agressive : Sivakov, Froome, Thomas et Bernal décident de hausser le ton et isolent Quintana, rapidement privé de ses équipiers. Pinot est escorté par le petit prince de Bretagne, Roglic a encore son Dumoulin et son Kruiksjnfjkndkj à ses côtés, pendant qu’Higuita et Lopez naviguent à hauteur du maillot jaune, comme s’ils l’escortaient. Alaphilippe semble facile et regarde De Gendt se faire lâcher puis revenir (en mode diesel tu connais) sur le groupe maillot jaune dans la descente vers le pied de la montée du plateau des Glières. Course d’usure, pure et dure, mais sans résultat notable pour le moment. Mais même s’ils ne le montrent pas, certains organismes doivent être déjà bien entamés par ce triptyque alpin dévoré tambour battant…

La course se calme un court temps, avant de partir en cacahuète dans les pires raidards des Glières : Ineos rappuie sur l’accélérateur et Alaphilippe, vainqueur deux ans auparavant en passant par cette montée, est inspiré. Quintana semble moins souverain, on le voit même ouvrir la bouche… Le signal est donné : c’est maintenant ! Bernal place une accélération de tueur à sang-froid que personne n’arrive à suivre, il prend rapidement 50 mètres d’avance. S’il veut gagner la Grande Boucle, c’est ici et pas après ! Froome et Thomas essayent de contrôler les ardeurs du peloton mais se confrontent à leurs propres limites face à un Alaphilippe intenable qui emmène avec lui dans sa chasse au Bernal… Thibaut Pinot ! La French connexion vient de prendre le pas sur la Colombian mafia, qui n’arrive plus à se mettre dans le rythme. Quintana secoue la tête et Higuita, tout comme Lopez, ne parviennent pas à donner de rythme à leur chasse à l’homme dans la portion gravillonnée du plateau. Les deux français font une magnifique partie de gravel et reviennent sur Bernal juste avant le sommet, ravi d’avoir distancé Quintana mais désespéré de voir Pinot dans le bon coup. Les trois hommes de tête basculent avec 17 secondes d’avance sur le groupe Quintana, où Roglic s’agace d’avoir raté le bon coup et fait rouler ses deux co-leaders devenus sbires.

La descente est folle et dangereuse, comme ta vieille tata alcoolique et collectionneuse de chihuahuas. Alaphilippe a véritablement posé son cerveau et Bernal suit béatement ce rythme aussi effréné qu’insconscient. Plus prudent, Pinot navigue 10-15 mètres derrière et finit par recoller en bas. La France entière pousse alors un ouf de soulagement si gros qu’il est visible depuis l’espace. 
Il ne reste plus qu’à gravir le Col des Fleuries pour enfin s’empaler dans la descente qui mène à la Roche sur Fauron. L’écart entre le trio de tête et le groupe Quintana est alors d’à peine 20 secondes. Beaucoup d’efforts pour pas grand chose ? Les Jumbo-Visma se dépouillent pour revenir sur le dangereux Pinot, pendant que Bernal et Alaphilippe se démènent : le premier pour se débarrasser de Quintana et se mettre en bonne position au chrono final, le second pour la victoire d’étape. Higuita et Lopez collaborent avec Dumoulin et Kruijslhlkfjfd, quand on découvre enfin Landa qui se dévoile ! Le second du classement général était jusque là très discret et se met à cravacher pour contenir Pinot et Bernal et prendre son destin en main. Au sommet de la dernière difficulté, le trio de tête Bernal-Pinot-Alaph bascule avec 12 secondes d’avance. Il reste alors 9 kilomètres de descente.

Tibopino prend enfin les risques qu’un potentiel vainqueur de Tour doit prendre, ne lâchant plus Alaphilippe et Bernal. Derrière, les forces s’unissent et ça bombarde comme si Michael Bay dirigeait ce scénario explosif, et le peloton maillot jaune revient petit à petit sur le trio de tête. Quintana est décidé à ne pas laisser Pinot prendre trop d’aises, c’est de la défense du maillot jaune qu’il s’agit, que diable ! On n’est pas au Prix du Boudin de Manziat, et le colombien en a bien conscience.

Sous la flamme rouge, les trois fugitifs ont 8 secondes d’avance sur le groupe Quintan… Ah ! Erreur : sur un Mikel Landa seul ! On découvre en direct sur les images fixes de la télévision que le basque s’est barré du peloton maillot jaune. Il n’est plus dans la défense de sa seconde place, mais bel et bien dans l’attaque pour gagner le Tour. Quelle fureur ! Pinot donne tout, prend ses relais comme si le jaune lui tendait les bras, Bernal en fait autant et Alaphilippe brûle ses derniers acides lactiques pour son compatriote français et pour sa pomme. Le court sprint final se lance au moment même où Landa recolle sur le trio de tête !
Ce dernier, trop court, n’arrive pas à le disputer, Bernal est cuit et Alaphilippe, bien qu’également cramé prend logiquement le dessus et triomphe avec sa classe naturelle devant Pinot, heureux de prendre la deuxième place mais surtout les 6 secondes de bonification qui vont avec. Bernal (troisième, + 4’’ de bonif) et Landa terminent dans le même temps. On regarde alors fébrilement le chrono pour faire des comptes hâtifs mais le peloton maillot jaune, déjà là, ne nous en laisse pas le temps ! Ce petit monde termine 11 secondes derrière le trio devenu quatuor. Soulagement mi-figue mi-raisin dans la cabine de commentateurs colombiens : Quintana a conservé son maillot jaune. Mais il l’a également affaibli.

Si Alaphilippe lève les bras dans tous les sens dans la zone d’arrivée, l’autre gagnant du jour est Pinot, passé second du général à 12’’ du petit colombien. Mais au prix d’un si gros effort… L’éleveur de chèvres est méconnaissable, et semble âgé de vingt années de plus, suffoquant affalé sur le bitume chaud aux côté de Bernal. Landa semble avoir mieux récupéré et avoir de la fraicheur à revendre. Il n’y a plus qu’à espérer que les jambes franc-comtoises répondent présentes dans deux jours au chrono de la Planche des Belles Filles, et qu’elles résistent la pression inéhrente au gars du coin. Sait-il gagner le Tour ? Il l’ignore. Saura-t-il reprendre 12 secondes à Quintana et contenir Landa, Roglic et Bernal, plus à l’aise que lui dans l’exercice chronométré ? Sans parler de Lopez et Higuita, imprévisibles et à l’affût derrière. Il faudra avant tout cela gérer l’étape de transition de demain, et la mettre à profit pour récupérer au mieux en évitant ses nombreux pièges. Ce Tour est plus serré qu’un cuissard en hiver et plus étouffant qu’un gâteau au yaourt raté, et même s’il n’est plus qu’à deux étapes des Champs Elysées… il est loin d’être fini !

On en connait quelques-uns qui vont avoir du mal à trouver le sommeil jusqu’à dimanche, et qui vont devoir abuser des infusions relaxantes Les Deux Marmottes. Pourtant, la récupération sera bel et bien la clé de ce Tour surexcité.

Alors… Bonne nuit ?

Classement général :

1. Nairo Quintana (ARK)
2. Thibaut Pinot (GPF) + 12’’
3. Mikel Landa (BAH) + 17’’
4. Primoz Roglic (JBV) + 43’’
5. Miguel Angel Lopez (AST) + 1’06’’
6. Sergio Higuita (EF) + 1’06’’
7. Egan Bernal (INE) + 1’09’’
8. Thomas De Gendt (LTS) + 1’15’’
9. Julian Alaphilippe (DCQ) + 1’47’’
10. Christopher Froome (INE) + 2’35’’
11. Tom Dumoulin (JBV) + 2’39’’
12. Geraint Thomas (INE) + 2’49’’
13. Steven Krujidfdksie (JBV) + 2’52’’
14. David Gaudu (GPF) + 4’09’’
15. Tadej Pogacar (UAE) + 4’21’’


Maillot à pois : El Pedrito Nacional

Maillot vert : Peter le BG

Maillot blanc : le petit Higuita

Combatif du jour : Mikel Landa

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