Parce que le peuple des tatouages SPQR et de la gomina outrancière ne fait jamais rien comme tout le monde, il a réussi à transformer une course nouvellement-née en une « classique » à part entière en moins de dix ans.
Depuis le coup de tête de Zizou asséné à Materazzi, dire du bien des italiens nous arrache une part de fierté à chaque tentative de compliment envers ceux qui nous ont volé la coupe du monde 2006 et laissé Laura Pausini en échange. Mais il faut se rendre à l’évidence : en 2007, l’Italie a fait naitre l’une des plus belles courses du monde. Et il faut savoir le dire quand c’est bien, même quand c’est transalpin.
Les Strade Bianche, comme leur nom l’indique, sont des routes blanches sur lesquelles se dispute la course éponyme et sillonnant à travers les collines et les vignobles de Toscane. Un décor de rêve qui sent bon le Chianti, qu’on croirait tout droit sorti d’Assassin’s Creed et où à tout instant on aimerait voir débouler Ezio Auditore da Firenze sur son cheval, quelque part entre San Gimignano et Sienne. Créée pour les professionnels en 2007 suite au succès de l’Eroica, course cyclosportive vintage empruntant les mêmes chemins caillouteux, les Strade Bianche ont très vite acquis leurs lettres de noblesse grâce au côté épique inné qui en découle (même si son premier vainqueur fut Alexander Kolobnev… admettons qu’on a vu mieux niveau glamour). Son circuit exigeant et ses caillasses blanches ont très vite séduit les plus grands coursiers d’un jour, qui rêvent d’accrocher à leur palmarès cet ersatz de Tour des Flandres à l’accent latin. En témoigne la flopée de mastodontes qui ont paradé en tête sur la Piazza del Campo à Sienne, où est jugée l’arrivée : Fabian Cancellara par trois fois, Michal Kwiatkowski deux fois ou encore Philippe Gilbert. Excusez du peu !
Disputées le premier week-end de mars sur près de 180 kilomètres vallonnés et parsemées de quelques 53 bornes de chemins agricoles en caillasses blanches, les Strade Bianche ne manquent donc pas d’intérêts sportifs et esthétiques, lesquels en ont rapidement fait une course déjà mythique et aussi photogénique que Yoann Offredo.
Si vous n’êtes toujours pas séduit par la belle toscane, voici 5 raisons de vous brancher à La Chaîne l’Équipe ce samedi 3 mars 2018 :
1. À cheval entre le Tro Bro Leon et le Tour des Flandres
À quelques encablures des premiers gros monuments cyclistes printaniers, les Strade Bianche ont une saveur de répétition générale pour les chasseurs de classiques avides de routes cabossées qui font encore plus mal au cul qu’un but italien à la 92e minute. Si les chemins blancs piégeux rappellent ceux du Tro Bro Leon (monument breton des courses d’un jour et de la galette-saucisse), son profil vallonné se rapproche de la topographie du Tour des Flandres. Un mash-up efficace encore plus (d)étonnant qu’un duo Paul McCartney-Michael Jackson.
2. Ça va être un gros chantier
Contrairement à ce que les « chaines d’information continue » laissent penser, figurez-vous qu’il n’a pas uniquement neigé sur Paris ces derniers temps ! Les photos de reconnaissance des équipes sur place sont formelles : les Strade Bianche sont cette année plus blanches que blanches avec l’ajout d’une pellicule neigeuse au dessus des cailloux. Nul doute que la lessive sera faite !
3. Une classique World Tour
Il n’y a pas que le côté mythique de la course qui attise les convoitises des grosses cylindrées du peloton, puisque celle-ci est désormais classée « World Tour », soit le plus haut niveau mondial. Autant vous dire que les équipes vont se pointer en Toscane avec l’artillerie lourde et ne seront pas là pour trier des lentilles. Et puis, ça a une autre gueule que le Tour d’Abu Dhabi.
4. Les féminines ont aussi droit à leur dose des caillasses blanches
Une version féminine des Strade Bianche est disputée sur les mêmes chemins de terre. Là encore, les coursières ne crapahutent pas dans les vignes pour acheter du terrain et se rendent coup pour coup dans leur quête du mythe blanc. Le spectacle est aussi beau à contempler qu’une toile de Verrochio retouchée par son élève Leonardo Da Vinci.
5. C’est beau
Quand le soleil ne fait pas sa mijaurée, un nuage de poussière blanche s’élève des vignes et accompagne les coureurs dans leur douleur. Quand la pluie s’en mêle, la poussière devient boue et les coureurs voient disparaitre le sponsor de leur maillot devenu illisible, ainsi que leur dignité enfouie derrière leur visage de forçat de la route imbibé de terre mouillée. Le paroxysme est atteint quand les gladiateurs entrent dans Sienne via une petite ruelle pavée et étroite, plus raide qu’un supporter belge dans le Vieux Kwaremont. Puis le combat prendra fin au coeur de la Piazza del Campo, où le premier gladiateur triomphera sous les vivats d’une foule aussi déchainée qu’un jour de palio.
En fait : celui qui n’aime pas les Strade Bianche ne peut-être qu’un aigri qui ne s’est toujours pas remis du penalty raté de Trezeguet face à Buffon en 2006. Ou un aveugle fan de curling.