Les coups de soleil australiens sont passés sous Biafine, Richie a gagné son étape au sommet de sa colline, la Marseillaise a été chantée et les Baléares explorées : il ne manque donc plus qu’un wheeling de Sagan sur Instagram et une victoire de Valverde au Tour de Murcie pour que la saison cycliste 2019 soit enfin officiellement lancée. Youpi ?
Comme à chaque début d’exercice, nous arrivons motivés et enthousiastes à l’approche des premières grosses échéances cyclistes de l’année, rêvant naïvement d’exploits mémorables et de champions légendaires à chaque course. Avant naturellement de déchanter par la force des choses, comme si le rayonnement du cyclisme était passé brutalement de l’éclat de Fausto Coppi à celui de Denis Menchov. À l’image d’un stagiaire non rémunéré qui pense qu’il va changer le monde à son arrivée le lundi et qui finira sous Atarax, les yeux cernés et l’âme fissurée à l’approche de son pot de départ payé de sa poche et reçu dans l’anonymat le plus complet par ses futurs ex-collègues (qui n’auront pas pris le temps de retenir son prénom). Ainsi donc nous plaçons de grands espoirs sur l’année cycliste 2019 car le rêve d’épique et de gloire éternelle demeure encore permis et n’est toujours pas taxé par le gouvernement français. Mais quand au mois d’octobre Gianni Moscon sera sacré champion du Monde en balançant Julian Alaphilippe dans les barrières, et que Vous-Savez-Qui fêtera son quintuple sacre insipide sur le Tour par une série de critos au Japon où il battra Fumi Beppu et Elia Viviani au sprint, nous n’aurons plus que nos yeux pour les fermer à nouveau, en attendant 2020 et le début d’un énième rêve bizut.
Pessimistes, nous ? Oui. Parce qu’il est nécessaire d’attendre du moins-bien pour espérer le meilleur. Il faut des frustrations pour qu’arrivent des explosions de joie immense. 2019 ne sera pas la plus belle année cycliste de tous les temps parce que ce n’est plus possible, mais elle sera ponctuée de pépites, ça et là, plus éclatantes et inattendues qu’une victoire de Brice Feillu sur le Tour*. Arrêtons d’attendre un Paris-Roubaix boueux, et satisfaisons-nous de voir des funambules dominer les pavés comme Bernard Hinault dompte les intrus manifestant sur le podium protocolaire du Tour. Arrêtons de vouloir des Ardennaises disputées comme un bout de bidoche entre deux chiens et admirons Valverde paré de son maillot arc-en-ciel, calvitie précoce sous le casque et jambes de vingt ans sous le cuissard. Le Tour sera dégueulasse et cadenassé, mais de belles histoires y naitront. Certainement pas des épopées comme on en lisait dans l’Équipe sous la plume d’Antoine Blondin, mais des petites histoires qui feront la grande. Prenons le plaisir là où il se trouve. Parce que même s’il est souvent caché dans le cyclisme moderne, il demeure partout présent dans son essence-même, ancestrale et légendaire.
*Renseignez-vous, cette info est bel et bien véridique