Dans la Musette
Peloton

Allez Poupou !

On l’appelait Poupou, on aurait voulu l’appeler Papy. La France cycliste a perdu sa rassurante figure bienveillante aux joues rougies par la générosité et par le temps qui passe. Second sur le Tour, premier dans des millions de coeurs, Raymond Poulidor a éteint sa flamme aujourd’hui, laissant le violet des vélos Mercier orphelin d’un des plus grands champions français. 

Raymond Poulidor incarnait l’intemporalité qui rassure, cet indéboulonnable doyen en bout de table qui contemple, silencieux et souriant, sa grande famille cycliste s’agiter, toutes générations confondues. Sa présence nous faisait du bien, tant elle était innée dans le monde de la petite Reine. Car il fallait que Poupou soit là, dans son lumineux polo jaune. Simplement parce que le peuple vélophile avait besoin de voir sa bouille affable et d’entendre son accent limousin. Comme pour se rappeler à quel point un champion peut être chéri au-delà du temps qui s’écoule inlassablement. Ce maudit temps qui avale les années comme on débaroule la descente d’un col le nez dans le guidon.

Aujourd’hui, son fauteuil en bout de table est vide. Il faudra désormais apprendre à vivre avec sa mémoire et avec ses exploits en noir et blanc plutôt qu’avec sa présence. Il faudra ouvrir des livres un peu poussiéreux et faire parler les anciens pour se faire conter la « Pouliche », comme le surnommait Jean-Pierre Danguillaume, avant de le conter nous-même aux futures têtes blondes qui pousseront demain dans des casques de vélo. C’est ainsi qu’est mal foutue la vie, mais c’est aussi pour ça qu’a été inventée la mémoire, collective ou personnelle. Chacun de nous aura emporté un peu de Raymond Poulidor en lui, et le gardera à jamais dans son coeur. 

Si les champions ne meurent jamais, les grands Hommes encore moins. Poupou était de ces deux-là, et dans un dernier clin d’oeil malicieux, il aura finalement fait une entorse définitive à sa réputation d’éternel second. Puisque comme tout un chacun le sait : les meilleurs partent toujours les premiers.

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