Nous voulions tout d’abord t’adresser nos félicitations pour ta victoire acquise au pays des penne rigate et des coupes du Monde volées sur un coup de tête. Et c’est sincère. Pour avoir posé nos croupes sur une selle de vélo, même à un humble niveau où les vainqueurs remportent des quarts de jambon et des bouteilles de mauvais vin, nous sommes en mesure de comprendre ce que cela implique en terme d’efforts et d’implication personnelle que d’être au top pendant trois semaines de violence cycliste. Bravo donc, ainsi qu’à tout le peloton qui comme toi a sué des larmes de San Pellegrino et saigné des gouttes de Chianti en arpentant les routes transalpines (si tant est qu’Israël se situe sur la botte, mais la géopolitique n’a jamais été notre fort). Mais pour le reste…

Il faut toujours un « mais » car rien ne peut plus être catégorique de nos jours. Nous sommes à l’ère où tout et rien se discute dans de sempiternelles joutes, sur Twitter et autour de la machine à café. « J’ai adoré le dernier Xavier Dolan MAIS… ». Il y a toujours un « mais » et malheureusement, Chris-trop-fort, nous nous accordons le droit de douter de ton mois de mai, qui pour nous s’est transformé en mois de « mais ». 

Nous sommes capables de t’apprécier et de te reconnaitre des qualités humaines, car tu fais l’effort de (bien) parler français et d’être souriant et chaleureux. Sur l’homme il semblerait qu’il n’y ait rien à redire, nous irions même volontiers boire une pinte de mauvaise bière britannique avec toi dans un de ces milliers de pubs sombres et crasseux que l’Angleterre abrite. Mais sur le plan sportif, nous nous offrons malheureusement le droit de douter de toi. Puisqu’il semblerait que tu aies décidé de te foutre de notre gueule plus royalement qu’Elizabeth n’a marié son rouquin de petit-fils à une actrice hollywoodienne portant un prénom de voiture. 

Car voilà Chris-trop-fort : tu as subi un contrôle « anormal » au sabultamol durant cette Vuelta que tu as écrasée en septembre dernier, quelques semaines après t’être offert le Tour. Qu’à cela ne tienne : la ventoline n’a jamais transformé un mulet en cheval de course, ni même en coiffure à la mode. On est très loin du pouvoir magique de l’EPO et des poches de sang que l’on fait danser dans des réfrigérateurs. Mais pourrais-tu tout simplement nous expliquer pourquoi, et sans te moquer de nous, une telle dose a été retrouvée dans ton corps maigrelet et souffreteux ? Il paraitrait, selon ta défense, que tu souffres d’asthme. Très bien, tu as le droit de la soigner puisque ton médecin te l’autorise auprès de l’UCI. Mais pourquoi de telles doses ? T’es-tu pris pour un cheval de course Chris-trop-fort ? 

Par conséquent, tu plaides l’insuffisance rénale et hépatique. L’UCI ne sait pas vraiment quoi faire de cette information et les décisions qui devraient être prises trainent plus doucement que Jaan Kirsipuu à l’arrière du gruppetto. Tu sembles en moins bonne santé que ma grand-mère, et pourtant tu participes aux trois Grands Tours et tu les écrases. Tu es malade comme un chien au point que l’on retrouve dans tes urines de fortes quantités d’un produit interdit par l’AMA, et pourtant tu prends le départ des courses. Et il est là le problème.

Nous te reprochons de manquer de transparence et d’honnêteté, Chris-trop-fort. Tu aurais pu dire : « Okay j’ai merdé, j’ai quadruplé les doses. Mon erreur est humaine et j’accepte qu’on me retire ma Vuelta », et ça serait tout à ton honneur. Mais tu préfères t’emmurer dans un silence coupable et malsain. Toujours cette « zone grise » chère à ton équipe. Mais dans un tel cas et dans la gravité qu’il implique, il n’y a de place que pour le blanc et le noir. 

Nous te reprochons donc, Chris-trop-fort, de participer à des courses cyclistes où par respect pour tes adversaires, tu devrais avoir la décence de te retirer en attendant la clarification de ton cas. Car au-delà du débat sur tes performances que certains jugent surhumaines, le vrai problème est là Chris-trop-fort : pendant ce mois de « mais », tu as gagné une course à laquelle tu n’aurais jamais dû participer. 

Cordialement,

La Musette