#ObjectifMorzine – Mon gros objectif cycliste de l’année consistait à terminer les 157 kilomètres de l’Étape du Tour (disputée entre Annemasse et Morzine avec 4100m de D+, soit un doigt d’honneur bien tendu en direction de mon gros fessier de sprinteur) en essayant d’admirer les paysages alpins sans finir enveloppé dans une couverture de survie à regarder dans le vide, quelque part entre deux cols. Mission accomplie, puisque je suis en mesure de vous écrire ces lignes avec la médaille de Finisher autour du cou.
Pour vous figurer un peu le morceau, vous trouverez ci-dessous le profil de ce joyeux bordel composé de cinq cols répertoriés : Col de Saxel, Col de Cou, Col du Feu, Col de la Ramaz et enfin Col de Joux Plane. Un profil à ne pas foutre Fabio Jakobsen dehors, surtout en plein épisode caniculaire. Un contexte qui n’a cependant pas refroidi les 16.000 participants cinglés de ce défi.
On appelle ça une étape de plaine, sur la Vuelta
C’est globalement inquiet sur ma forme que je prends le départ de l’Étape, car des soucis physiques et d’emploi du temps m’ont handicapé dans ma préparation (comprenez : j’ai eu la flemme et je me suis réfugié derrière les réminiscences d’une vieille tendinite contractée en 2009 pour glander). Après un charmant séjour à Morzine ponctué d’une reconnaissance de Joux Plane à quinze jours de l’échéance, je me rassure un peu en me félicitant de ne pas avoir mis pied à terre dans ses inhumaines pentes. Reste à savoir à quoi ça ressemblera avec 130 kilomètres en plus dans les pattes… En attendant, je profite de la station et de son ambiance cycliste estivale autour d’une bonne bière locale et d’un hamburger au reblochon pour faire le plein de calories.
La vie est douce à Morzine
Jour J : le départ est donné, dans un sas à la hauteur de mes espérances (on table sur un cohérent 17km/h de moyenne et des pauses prolongées aux ravitos). L’ambiance est sympathique et la « plaine » (comprenez : le faux-plat montant de merde) qui mène au pied du Col de Saxel se fait dans une certaine euphorie au milieu de la grappe de maillots bariolés. Saxel est avalé comme un apéricube avant trois chipos, et ça bascule dans la descente où je manque de faire un tout-droit au premier virage en voulant éviter un gel éclaté sur le bitume.
Quand ça rigolait encore
Les Cols de Cou et du Feu, malgré leurs noms rigolos et courts, ne sont pas rigolos et courts. Je les subis tout à gauche comme Philippe Poutou, en essayant d’économiser un maximum de forces pour les deux gros morceaux qui se dressent ensuite sur ma route, laquelle devient surchauffée par un soleil de plomb bien décidé à déshydrater la moitié des participants. C’est ainsi que j’arrive au deuxième ravito :
Plus carbo qu’une recette de pâtes à base de lardons
Ces trois cols sitôt avalés, la procession du peloton est ralentie par un taquet non-répertorié, le Col de Jambaz où il est globalement compliqué de prendre ses Jambaz son cou puisque cette saloperie compte 7,6km à 3,5% de moyenne, soit un interminable faux-plat montant (ou une certaine idée de l’Enfer). Ça bascule néanmoins vers Mieussy, pied du premier gros morceau du jour : le Col de la Ramaz, sans oublier de sucer les roues pour faire remonter mon insultante vitesse moyenne d’adepte du gruppetto.
La Ramaz, de base est une grosse vacherie de 14,3km à 7,1%. Mais quand on la grimpe en plein cagnard (45°C s’affichent sur mon compteur, au début je croyais que c’était ma vitesse max) et sans un pet d’ombre… la sentence est irrévocable. Des dormeurs du Val en lycra moulant jonchent chaque coin de fossés, il faut slalomer entre les plaques de régurgitations d’Isostar et les concurrents qui montent pied à terre, les cuissards se remplissent de sel, il faut s’asperger le visage sans pour autant vider sa réserve d’eau potable… et il faut surtout accepter l’idée d’être planté à 8km/h pendant quasi deux heures sous un soleil meurtrier.
C’est à l’agonie que j’arrive en haut. Il paraît qu’il y a un lac au sommet, mais je ne le vois même pas tant je suis focalisé sur le ravito où la peur de la fringale me conduit à avaler sans réfléchir des sandwiches de pain d’épices au saucisson sur une tartinade de gel énergétique, coupés aux fruits secs entre trois culs-sec de Perrier grenadine. Les survivants en mode « procession mortuaire » basculent en silence vers Samoëns, pied de l’ultime difficulté du jour : l’inqualifiable Col de Joux Plane.
Le truc ne débranche jamais
Sorti du dernier ravito les Joues Pleines, l’idée fut alors globalement de reproduire l’effort de la Ramaz, en moins long mais plus raide, ainsi donc planté à 6-7km/h tout en acceptant l’idée que les fourmis sur la route grimpent plus vite que ma vieille carcasse desséchée. Les bornes kilométriques défilent à la vitesse d’un papy en déambulateur, chacune affichant le pourcentage traître qui s’apprête à nous assassiner (mention spéciale à la dernière qui stipule un « 2% » complètement mensonger puisqu’on continue à se battre dans du 8-9% jusqu’au bout).
Tant bien que mal, uniquement muni à ce stade de mon cerveau reptilien primaire qui m’ordonne de respirer et d’avancer, je parviens au sommet de Joux Plane sous l’arche tachetée de pois rouges où les chronos sont arrêtés. Il n’y a plus qu’à basculer et savourer la descente (sinueuse et piégeuse avec le niveau de lucidité qui me reste) jusqu’à la lumière de Morzine, où le statut officiel de « Finisher » m’attend avec une médaille et la bière fraîche la plus méritée de ma vie.
#ObjectifMorzine rempli !
Merci à tous les bénévoles qui sont venus nous abreuver, nous nourrir et nous aiguiller, aux supporters bruyants au bord des routes ainsi qu’à tous les sympathiques compagnons de galère qui sont venus discuter dans le peloton. Maintenant, il est temps de préparer la saison des raclettes !
Retrouvez ici les détails de cette journée beaucoup trop montagneuse.
La bise,
Eddy Ficile